P h i l i p p e R e m y
artiste photographe
Namur - Wallonie - Belgique
Parce qu'il y a plus dans l'image que l'image elle-même, une expérience de l'impermanence
OverExposed
P H O T O G R A P H I S M E
Satyres
Les artistes n'ont évidemment pas attendu l'invention de la photographie pour aborder les notions de sexualité et de genre. Gustave Courbet, les estampes d'Hokusai en sont des preuves muséales. Les calendriers Pirelli, auxquels collaborent d'éminents photographes tels que Herb Ritts, Helmut Newton, Peter Lindbergh, Richard Avedon, Bruce Weber, et les magazines tels que Playboy ont très largement contribué à asseoir les stéréotypes culturels de la masculinité dominante. Le porno-chic de Vogue, les publicités de Gucci, de Tom Ford ou de Versace ont flouté la frontière entre l'imagerie sensuelle et la pornographie. Nobuoshi Araki et ses nombreuses scènes sexuelles ont attirés la grande foule dans ses expositions photographiques. Ensuite Robert Mapplethorpe, Peter Hujar et d'autres ont mis à l'honneur le corps masculin dans ses formes gracieuses, souples et élégantes et à l'instar des précédents avec les corps féminins, créant sans doute une rupture dans les représentations du genre.
Je ne souhaite pas choquer, mais bien attirer l'attention. Mais pour ce faire, il faut souvent provoquer le choc, le doser de telle manière à contraindre le regard sans le détourner par dégoût, attiser l'envie et le désir pour susciter la réflexion, la remise en question de nos croyances sans pour autant entraîner de la culpabilité qui réduit au silence et au déni.
Détourner ainsi tous les clichés dont les médias nous bombarbent sans cesse depuis trop longtemps afin d'atteindre, au travers d'un manifeste homoérotique, la douleur et la jouissance sans sombrer dans le pathétique et le dérisoire.
Seule parure de notre beauté, notre chevelure est tombée,
Et la triste bise d'hiver a emporté notre feuillage printanier.
Maintenant, dénudées de leur ombrage, nos temps s'affligent,
Et nos crânes polis, brûlés par le soleil,
Se rient de nos cheveux rasés.
Ô dieux trompeurs !
Les premières joies que vous avez données
A notre jeunesse, ce sont les premières que vous reprenez !
Infortuné, tu resplendissais naguère de l'éclat de ta chevelure,
Plus beau que Phébus et que la soeur de Phébus!
Mais maintenant, plus lisse que le bronze
Ou la tête ronde d'un champignon que la pluie a fait pousser,
Tu fuis et redoute les rires des jeunes filles.
Crois-moi, la mort arrive bien vite,
Car, sache-le, une partie de ta tête est déjà morte !
PETRONE - Satyricon
DES SATYRES ...
L'usage actuel du terme satyre définit un comportement sexuel répréhensible ou, à tout le moins amoral, en référence avec les représentations actuelles et sans doute quelque peu puritaines de la sexualité. Il n'en est rien à l'origine, dans l'imagerie attique et dans la Grèce antique en général, où le champ d'activité des satyres dépasse la pure et simple satisfaction sexuelle.
Les satyres constituaient la suite du dieu Dyonisos et symbolisaient en quelque sorte les plaisirs coupables que sont le vin, la musique (et donc la danse) et l'érotisme. Ils sont à ce propos des êtres hybrides, une thérianthropie symbolisant les deux facettes de tout être, entre contrôle - le haut humain - et pulsion - le bas animal. Ils sont ithyphalliques, caractère réprouvé alors que la pensée élevée doit nécessairement prendre le pas sur la bassesse des désirs.
Cette lubricité dressée, permanente, exhibitionniste et particulièrement démesurée, voulait d'ailleurs susciter l'hilarité et la moquerie. L'esthétique grecque préfère un sexe discret et de petite taille, la véritable élégance et la preuve que l'esprit a prit le pouvoir sur les pulsions. En outre, les satyres ont toujours une posture accroupie, tels les êtres de basse condition sociale et les esclaves. Mais à la différence de ces derniers, ils écartent les jambes, exhibant leur sexe, se masturbant, ajoutant ainsi l'indécence à l'humilité de la posture. Quant à la sexualité des satyres, outre le fait qu'elle soit débordante, elle est extrêmement diversifiée et explore tous les possibles en la matière. De la masturbation à la fornication frénétique, incontrôlable et bestiale avec des objets inanimés, du gibier ou son homologue équidé, les comportements sexuels du satyre mêlent constamment, dans l'esprit dyonisiaque, l'érotisme à la musique, à la danse, au banquet. Toutes les formes de relations sexuelles sont présentes, comme autant de contre-modèle de l'humanité mais représentants néanmoins un univers imaginaire et fantasmé.
Au fil du temps, l'imagerie des satyres et des faunes se sont amalgamés, utilisés pour incarner une sorte de doublure monstrueuse dans laquelle les êtres humains se placent souvent. Des "pré-humains" incarnant tous les traits de sauvagerie et de barbarie associés aux animaux mais dans des corps de plus en plus semblables à des humains. Satyres et nymphes fournissaient également un prétexte classique qui permettait de voir leurs représentations sexuelles comme des objets de grand art plutôt que comme de la simple pornographie.